Depuis un certain moment déjà, la jeune femme la suivait d'un pas lent afin de demeurer à bonne distance de sa cadette. Alors qu'une fois de plus, Elodie lui avait demandé, ou plutôt ordonné de la laisser tranquille, Gabrielle n'en avait fait qu'à sa tête et avait pris la même direction que sa sœur. Croyait-elle réellement qu'elle la laisserait s'en tirer ainsi? Si c'était le cas, Elodie la connaissait très mal... Ses bouclettes brunes tourmentées par le vent et le mouvement de ses pas, la demoiselle avançait en silence, sachant que de toute évidence, la jeune fille ne l'entendait pas. Cependant, sa délicatesse habituelle, semblant presqu'innée, lui procurait cette douceur et cette grâce inégalable... surtout dans le cas d'Elodie. Les sourcils légèrement froncées en une mimique contrariée et anxieuse, la princesse fixait de ses yeux charbonneux sa cadette tout en serrant les poings en tentant, une fois de plus, de ne pas s’en prendre à elle. Après tout, ce n’était pas de sa faute… pourtant, sa rage était difficilement égalable en ce moment, sa frustration et sa tristesse également. Elodie avait portée la honte sur la famille, sur le château au grand complet. Elle n’en faisait qu’à sa tête et encore une fois, il faudrait éviter de s’en prendre à elle…
La jeune femme accéléra le pas puis cessa de marcher lorsqu’elle vit sa cadette prendre place sur un gros rocher plat. Au risque de s’attirer ses foudres, Gab s’avança, retroussa les plis de sa longue jupe et se hissa à son tour sur le monceau de roches en posant les yeux sur la rivière. Ses yeux aux couleurs de tempête fixèrent les flots pendant quelques secondes qui parurent interminables, puis, en repoussant une mèche rebelle, elle tourna la tête vers Elodie. Elle s’exprima clairement, abruptement, sans froideur, mais son ton était toutefois dépourvu de sa douceur habituelle.
- L’égoïsme est un grand défaut Elodie, commença-t-elle en la toisant de son regard insondable. Et crois moi, je sais de quoi je parle. Ce n’est qu’une façade derrière laquelle camoufler les sentiments que l’on craint d’affirmer à haute voix, à ceux qui nous entourent… et à nous même. Ce n’est que le début d’une longue et pénible existence emplie de haine et de remords. Tu n’es pas seule à souffrir ici. Cependant, tu n’as jamais pris la peine de t’attarder aux sentiments des autres… même avant de devenir sourde.
Les sourcils désormais arqués, la jeune femme reprit, sachant très bien que sa cadette lisait sur ses lèvres et qu’elle comprenait très bien le sens de ses paroles.
- Et ne t’avises pas de feindre de ne pas comprendre, je sais très bien que tu comprends tout ce que je dis… et tu sais que j’ai raison !
Le murmure du vent pris la place de sa voix tandis qu'elle observait toujours la jeune fille, sachant très bien que cette dernière n'était pas prête d'accepter la défaite de si tôt.